Route des grandes Alpes


L’année passée, j’ai parcouru les Alpes en Zoé dans une grande boucle qui m’a fait traverser l’Italie, l’Autriche, l’Allemagne et la Suisse et j’en garde toujours un souvenir vivace. Voilà pourquoi j’ai décidé de me faire plaisir en musardant une fois encore dans le massif alpin. Comment ne pas être tenté par le chapelet de cols de la route mythique des Grandes Alpes ? Un tel circuit correspond bien à ma définition du voyage : un moment où l’on prend le temps d’apprécier la diversité des paysages et de croiser des lieux de vie qui ont su garder un peu de ce charme inaltérable de la France dite profonde.

De plus, entreprendre un tel périple avec Zoé est en soi un challenge : comment allait-elle se comporter face à la succession de dénivelés sévères ? Les bornes de recharge seraient-elles bien disponibles là où je l’espérais ? Voilà des questions qui pimenteront durablement le trajet. 

Bonne lecture.



26 juin 2022 : Clermont-Ferrand – Thonon-les-Bains (374 km)

Au matin, c’est sous une pluie battante que nous partons pour notre périple. Direction : Thiers, où nous suivons la Durolle jusqu’à Chabreloche et Noirétable. Puis par la D1089, voici Boën-sur-Lignon et Feurs où nous nous arrêtons pour prendre le petit-déj avant de rejoindre, par la D4, Meximieux et la borne située sur le parking de la gare. Pendant le temps de charge, nous achetons un casse-croûte que nous dégustons assis sur un banc, sous le regard bienveillant des vieux platanes de la rue du Stade qui jouxtent le parking.

Appétit rassasié, nous empruntons la D1206, direction Nantua, Pont-d’Ain, St-Julien-en-Genevois, Collonges-sous-Salève - où nous passons sous les pattes démesurées de l’A40 - puis Annemasse, et c’est sous un soleil devenu ardent que nous cherchons une terrasse accueillante pour nous désaltérer. Nous trouvons notre bonheur dans les jardins du Restaurant de la Ferme. En ce milieu d’après-midi de dimanche, plusieurs familles sont encore réunies pour le repas dominical. On en est aux glaces et petits digestifs. Les enfants en ont marre de rester calmes et c’est sous l'œil de la matriarche trônant en bout de table qu’ils se défoulent en courses-poursuites entre les bosquets du jardin.  Le panaché avalé et un billet de 10 francs suisses en poche (car sans le savoir, nous sommes en Suisse, la D15 faisant office de frontière), nous poursuivons notre route vers la ville-étape du jour : Thonon-les-Bains. Pas loin de l’hôtel, se trouve le parking de la gare où de nombreuses bornes sont à disposition. Le temps d’une promenade dans le parc du Belvédère et d’une délicieuse pizza à la terrasse du restaurant Il Vesuvio,  Zoé a récupéré la totalité de ses capacités et est prête pour entreprendre demain la route des Grandes Alpes proprement dite.

Viaduc de l'A40

Thonon-les-Bains


Parking de Thonon-les-Bains (borne)


27 juin 2022 : Thonon-les-Bains – Bourg-St Maurice (188 km)

Par la D902, nous nous dirigeons vers Cluses en passant devant les Gorges du Pont du Diable, site que nous nous sommes promis de visiter. Celui-ci n’ouvrant ses portes qu’à partir de 10h, nous allons nous promener et découvrir le barrage de Jotty qui se trouve juste à côté. Honnêtement, il n’y a là rien de spectaculaire à voir, mais cela passe le temps et nous permet d’entendre les gazouillis des oiseaux et d’humer l’ail des ours qui fleurit à foison dans le coin. Après avoir apprécié le café offert par le patron du site, nous entreprenons le parcours. Si quelque 800 marches nous attendent, les photos prises montrent à quel point cette visite vaut la peine d’être effectuée. De plus, comme nous ne sommes pas encore en haute saison (le Tour de France va passer devant le site au mois de juillet), nous ne sommes qu’une poignée d’amateurs à parcourir ces rampes d’escaliers bien raides rivées au cœur de la roche. Mais pas de panique, le parcours est bien aménagé et de nombreux bancs offrent régulièrement aux visiteurs le choix d’une halte bienvenue.

Un petit souvenir en poche, nous reprenons la route jusqu'à l’Abbaye d’Aulps, ruines d’un monastère du XIIème siècle. Après avoir dépassé Morzine, nous passons le col des Gets (1172 m) et redescendons vers Taninges et Cluses où nous avons décidé de nous arrêter sur le parking du Lidl, de manière à pourvoir à la collation du midi et de profiter de la borne électrique mise gratuitement à disposition de la clientèle. Cette charge n’est pas vraiment impérative mais pourquoi s’en priver ?

Nous passons le col de Châtillon (741 m) et par la D4, nous abordons le col de la Colombière (1618 m). C’est dans la montée de celui-ci que nous nous arrêtons pour pique-niquer. Il fait gris mais par chance il ne pleut pas. Arrivés au col, nous ne pouvons malheureusement pas profiter des splendides panoramas vantés par les guides touristiques car le temps est au crachin. Cela à son charme mais reste un peu frustrant.

Après avoir fait une pause au Grand Bornand face à la Cascade mystérieuse, direction la Clusaz, le col des Aravis (1487 m) - lui aussi enveloppé d’écharpes nuageuses - puis Flumet. Après Notre-Dame-de-Bellecombe et Crest-Voland, par la D925, voici le col des Saisies (1650 m), Hauteluce, et Beaufort. Nous poursuivons notre route en longeant la belle étendue d’eau du lac de Roselend et abordons le dernier col du jour, le Cormet de Roselend (1968 m), dans une purée de pois envahissante, avant de redescendre vers Bourg-St-Maurice, notre ville-étape.

Après avoir déposé nos effets à l’hôtel La Petite Auberge - nous y mangerons en soirée un grenadin de veau délicieux servi par une jeune dame avenante bien qu’elle se trouve seule à servir une trentaine de personnes - nous allons recharger la voiture au parking Les Alpins situé à quelques pas de là.

Gorges du pont du Diable

Col de la Colombière


Cormet de Roselend (col)


28 juin 2022 : Bourg St-Maurice – Briançon (197 km)

Malgré notre espoir – mais il est vrai que nous n’avons pas allumé de cierge – il faut nous rendre à l’évidence : la météo est maussade. Dommage, alors que notre programme de cols à gravir est particulièrement bien rempli. Mais en voyageurs optimistes, nous ne désespérons pas de trouver une éclaircie miraculeuse sur les contreforts de ces cols célèbres.

Une fois encore, c’est par la D902 que nous dépassons St-Foy-Tarentaise, le barrage de Tignes, Val d’Isère et le Pont St-Charles qui enjambe l’Isère pour nous retrouver au pied du col routier le plus haut des Alpes : l’Iseran (2770 m). Une longue montée où l’on ne distingue parfois plus la route tant le brouillard est épais. Nous avançons à petite allure, le regard rivé sur les bandes blanches qui cernent la route - du moins tant qu’il y en a. Puis survient  la trouée tant espérée. Est-ce un effet du vent ? De l’altitude ? Voilà qu’apparaît l’immensité du décor. Sans perdre de temps, au premier terre-plein trouvé, nous voici arrêtés pour photographier cet instant magique. Arrivés au sommet entourés de motards habillés en cosmonautes, chacun y va de sa photo ou d’une exclamation de fierté d’avoir surmonté le géant.

Puis nous redescendons la route aux lacets incessants jusqu’à Bonneval-sur-Arc et Val-Cenis. Après avoir aperçu le fort Victor-Emmanuel, nous poursuivons la D1006 jusqu’à Modane et Fourneaux, ville où un concessionnaire Opel met à disposition une borne de recharge facile d’accès. Zoé est à 80% de sa charge, mais comme la suite du parcours accumule les cols, nous préférons profiter de cette occasion, ce qui nous permet en plus de déjeuner sous un pâle soleil, assis sur la rive de l’Arc.

Zoé rechargée à 100%, nous rejoignons St-Martin-d’Arc, et nous voici au pied du col du Télégraphe (1566 m). La route est bonne, les épingles à cheveux nombreuses mais hélas pour nous, la météo reste encore et toujours hésitante : parfois une bourrasque de pluie, parfois un rayon de soleil s’infiltrant dans la déchirure des nuages.

Arrivés au sommet, après la photo fétiche, nous redescendons vers Valloire et entreprenons l’ascension du Galibier (2642 m). Malgré des passages difficiles occasionnés par un brouillard persistant, le plaisir de gravir ce col est total et nous ne sommes pas seuls à apprécier cette « grimpette » : nous croisons de nombreux cyclistes et motards - sans doute les mêmes que nous avons déjà croisés au sommet de l'Iseran. Le col atteint, une météo infecte nous pousse vers le Refuge du Galibier pour déguster un délicieux chocolat chaud dans une ambiance familiale bon enfant. Ragaillardis, nous dévalons la pente vers le col du Lautaret (2057 m).

Nous avions l’intention de visiter le Jardin du Lautaret, jardin botanique unique en son genre, consacré à la conservation de la flore alpine du monde entier mais le mauvais temps nous en dissuade. C’est ainsi que nous poursuivons notre route sous une pluie soutenue. Après Serre-Chevalier, voici Briançon, la ville-étape. Quand l’heure du souper pointe le bout de son nez, nous arpentons la ville, parapluies ouverts, mêlés à des dizaines de voyageurs qui, comme nous, sont en galère pour dénicher un restaurant qui les accueillerait. Comment expliquer que tant de troquets sont fermés un mardi soir ? Enfin, sustentés d’un plat de  fettuccine al ragù , nous allons nourrir Zoé en prévision de la journée du lendemain.

Pour l’anecdote, j’ai noté la charge de la voiture à chaque passage de col. Ainsi à partir de Fourneaux où nous avions rechargé à 100%, nous nous sommes retrouvés avec 90% au Télégraphe, 74% au Galibier, 78% au Lautaret et 81% à Briançon, 85 km plus loin. On peut constater tout l’effet positif du frein régénératif (mode B) de la voiture. Cela nous conforte dans le sentiment qu’il est inutile de recharger trop souvent la batterie.

Barrage de Tignes

Panorama de la montée au col de l'Iseran


Une éclaircie


Col de l'Iseran


Col du Télégraphe


Col du Galibier


29 juin 2022 : Briançon – Barcelonnette (209 km)

Contrairement à la veille, le ciel est dégagé aujourd’hui et laisse espérer une journée à la météo idéale pour contempler les paysages. Après les emplettes du casse-croûte de la mi-journée, direction Cervières par la D902. Et voici la montée vers le col de l’Izoard (2360 m). Route délicieuse, souvent ombragée, où se suivent (pour ne pas écrire se poursuivent) de nombreux cyclistes, appréhendant chacun à leur manière le dénivelé constant de la route. A force d’en dépasser, on constate que loin d’être des mâles trentenaires comme on pourrait se l’imaginer, les pédaleurs sont des deux genres et ont souvent les cheveux couleur poivre & sel. Bravo à tous.

Une fois le col atteint, un paysage somptueux de roches nues s’offre à la vue même si, pour cause de travaux importants, moultes barrières de protection défigurent un peu le panorama. Quelques lacets plus tard, dans la descente vers le pays de Queyras, nous traversons la Casse Déserte. Il s’agit là d’un paysage vraiment troublant tant il transporte le voyageur dans un autre monde, que certains qualifieraient volontiers de lunaire et d’autres de martien. N’ayant pas encore eu l’occasion de me rendre in situ sur ces planètes, je ne trancherai pas et laisserai chacun face à son propre imaginaire.

Plus bas, après Arvieux, nous plongeons dans les Gorges du Guil. Celles-ci sont étroites, profondes, taillées dans une roche noirâtre qui forme un contraste saisissant avec la couleur vert émeraude du Guil. A Guillestre, nous poursuivons la D902 vers le col de Vars (2108 m) et ses points de vue pittoresques. Pas loin, il y a une curiosité à ne pas manquer : au départ de St-Paul-sur-Ubaye, par une petite route qui tient plus du chemin villageois que de la départementale, nous rejoignons un petit belvédère qui nous permet d’admirer le Pont du Châtelet, impressionnant ouvrage surplombant les gorges de l’Ubaye de ses 108 m. Photo prise, nous voilà revenus sur la D902, direction La Condamine-Châtelard. Au croisement de la D902 et D900, un petit chemin de traverse nous tente pour la pause de midi. Assis sur le bord de l’Ubayette, entourés de pins odorants qui nous abritent du soleil, nos carottes râpées et petits pains aux olives nous régalent. Après une courte balade, nous poursuivons la route vers Tournoux (et son Fort) et Jausiers.

Comme il n’est que 15h, nous décidons d’effectuer un aller-retour jusqu’au lac de Serre-Ponçon. Les D900 puis D945 nous y mènent sans difficulté. Arrêtés au belvédère de Sauze-du-Lac, c’est sous un vent frais que nous profitons du point de vue. A peine roulons-nous en direction de Savines-le-Lac que nous avons la surprise de voir un vautour sur le rebord de la route. Il a revêtu son habit de dimanche car sa collerette blanche immaculée tranche agréablement avec son poitrail brun fauve. Le temps de réaliser l’aubaine qui se présente à nous pour prendre une photo hors norme, d’un simple battement d’ailes, l’oiseau se fond dans le ciel, de toute évidence rétif à l’idée de se retrouver à la une de notre road-book.

Pour nous remettre de nos émotions, arrivés à Savines-le-Lac, bien cachés dans l’ombre accueillante d’une terrasse, nous dégustons une glace délicieuse (vanille fraise rhum-raisins) puis nous rebroussons chemin jusqu’à Barcelonnette, notre ville-étape. Bourgade paisible aux ruelles étroites, agréables en ce temps d’ardent soleil, et aux terrasses nombreuses où il fait bon déguster une bière pression à l’ombre de la Tour Cardinalis.

Sur la place Aimé Gassier, une borne nous accueille sans problème pour recharger Zoé.

Panorama de la montée au col de l'Izoard


Col de l'Izoard


La Casse Deserte


Le Guil et son barrage


Le pont du Chatelet


Lac de Serre-Ponçon


Tour Cardinalis à Barcelonnette


30 juin 2022 : Barcelonnette – Puget-Théniers (178 km)

Comme à l’accoutumée, nous empruntons la D902 et traversons Uvernet-Fours sous un soleil radieux. Et débute la montée du col de la Cayolle (2326 m). Cette route est un régal et à croiser nombre de cyclotouristes, nous ne sommes pas les seuls à l’apprécier. Au sommet, plus un sapin, plus une ombre, mais la roche nue qui défie le ciel avant de se répandre en longues coulées jusqu’aux vallons boisés. A quelques pas de là, en contrebas, scintille le lac de la petite Cayolle. Un chemin de randonnée y mène. Couvre-chef recommandé. Puis par la D2202, nous croisons les sources du Var, le lac d’Estenc, Villeneuve-d’Entraunes et Guillaumes. La charge de la batterie au col de la Cayolle était de 84% alors qu’à Guillaumes, 30 km plus loin, elle affiche une charge de 93%. Toujours l’effet positif du frein régénératif.

En empruntant la D28, il nous arrive de passer sur un pont enjambant une brèche du vallon du Riou. Il était à ce point défectueux qu’il a été surmonté par un pont passerelle provisoire à voie unique. Léger stress de sentir le tablier vibrer sous les roues du véhicule. Peu de temps après, nous gravissons le col de Valberg (1650m). Là, des tables accueillantes invitent à croquer le sandwich. En guise de digestif, nous marchons jusqu’au village de Valberg en empruntant un sentier dédié de façon originale aux planètes (mars, vénus, la neuvième inconnue, etc.). Puis, quittant la D28, nous optons pour la D30 et le col de la Couillole (1678 m) avant de redescendre sur Roubion et St-Sauveur-sur-Tinée où il n’est nullement nécessaire de recharger Zoé car la batterie affiche encore une charge de 88%.

Longeant la Tinée par la D2205, nous bifurquons sur la M59 à Irougne. Voici sans doute la route la plus étroite que nous avons empruntée jusqu’à ce jour. Même un cycliste ne saurait nous croiser sans mettre pied à terre. En très mauvais état - d’ailleurs des panneaux nous préviennent qu’elle sera fermée le lendemain de notre passage pour cause de travaux - des caillasses parsèment le revêtement qui est érodé en de nombreux nids-de-poule. Si nous avons vraiment l’impression d’être perdu au milieu de nulle part, de magnifiques panoramas s’offrent à nous. Après le hameau de Roupert, voici le col de la Sinne (1438 m).

Puis vient la descente vers Pierlas et les Gorges du Cians, spectaculaire fromage rocheux de couleur rouge carmin tranché par le couperet des eaux du Cians. Encore quelques kilomètres sur la D28 et nous rejoignons la route de Grenoble jusqu’à la ville-étape : Puget-Théniers. Le bourg fleure bon le sud, on entend les cigales et alors que les vieux platanes ombragent les fontaines, il y a toujours un chat bigarré bien planqué sous les lauriers roses pour guetter le moineau imprudent. Cerise sur le gâteau, il s’y trouve quelques bons restaurants. La paëlla que nous dégustons de la terrasse surplombant la Roudoule est tout simplement délicieuse. 

Pour cette fois, pas besoin de rechercher une borne de recharge, notre hôtel en possède une.

Col de la Cayolle


Pont du Riou


Panorama de la montée au col de Sinne


Col de Sinne



1er juillet 2022 : Puget-Théniers – Nice (171- km)

Si cette journée compte quelques cols, il faut bien reconnaître qu’ils sont moins imposants. Mais les panoramas offerts ont chacun un charme particulier. Nous longeons le Var par la route des Alpes avant de la quitter à hauteur de Lunel pour emprunter la D226. Cette route, dite de moyenne montagne, habille chaque vallon et courbe du relief d’une succession de lacets découvrant nombre de points de vue intéressants. Nous dépassons les bourgs de Chaudanne, de Tournefort puis du Pont des Clans.

Retrouvant la M2205, nous remontons le cours de la Tinée à peu de chose près jusqu’à Irougne avant de nous brancher sur la route de la Vésubie (M2565). Une fois St-Dalmas dépassé, voici le col de St-Martin (1500 m). La descente vers St-Martin-Vésubie est charmante. Mais une fois dans la vallée, le décor change du tout au tout. Presque deux années se sont écoulées depuis que la tempête Alex est passée par là, les plaies causées par l'inondation catastrophique sont encore présentes. Des monceaux de pierres, de débris végétaux et de ferrailles gisent aux pieds des maisons à demi effondrées. Le sentiment de désolation reste vif et à contempler l’ampleur de la dévastation, on comprend mieux à quel point les constructions humaines peuvent être dérisoires face aux forces déchaînées de Dame Nature.

Peu après Roquebillière, nous quittons le cours de la Vésubie par la M70 pour rejoindre La Bollène-Vésubie et gravir le col de Turini (1604 m) par une route des plus agréables qui longe le cours du Riou de la Bollène. Peu de trafic, quelques motos et des inconditionnels de la pédale. Puis, en enfants sages, nous rejoignons la cascade du Piaon et Sospel en passant par Moulinet où nous nous arrêtons pour la collation du midi. Assis à l’ombre de châtaigniers centenaires, souvent ébranchés par la foudre, nous sommes étonnés de voir un véritable nid de voitures électriques dans ce petit bled. L’explication tient sans doute au fait qu’il s’y trouve une borne de recharge.

De Sospel, gravissant le col de Castillon (706 m), nous gagnons Menton. Une chaleur étouffante et un trafic dense nous y accueillent. Sensation d’être devenus « des indiens dans la ville ». Presque comme des sauvages sortis des bois, nous limitons notre visite à une brève incursion en bord de Méditerranée. Si le bleu bienveillant de l’eau charme l’œil,  nous repartons pourtant sans nous attarder en direction de Nice, via Roquebrune-Cap-Martin, Monaco, Cap-d’Ail et la route de la moyenne corniche.

Un dernier col se présente à nous : le col d’Eze (507 m) qui se grimpe sans effort. Malgré une climatisation efficace, c’est passablement fatigués par la soudaine canicule que nous rejoignons l’hôtel. Il faudra une longue douche et un petit repos sur notre terrasse de chambre pour que l’on retrouve le punch d’aller nous  frotter  à cette fameuse métropole.

Arrivés en tramway sur la place Masséna, nous déambulons dans la vieille ville au coude-à-coude avec un flot de touristes. Balade tout compte fait peu plaisante car comme beaucoup, nous n’apprécions guère de marcher au pas des autres, de nous faire bousculer par une valise à roulettes ou de faire la queue pendant dix minutes pour acheter un tee-shirt souvenir. Quant à la plage, il y avait plus de corps que de galets. A croire qu’il nous aurait fallu marcher dessus pour tremper l’orteil dans la mer. Seul moment de répit : assis à l’ombre d’un clocher, nous avons pu siroter une boisson fraîche alors qu’un africain, bariolé de couleurs vives tel un saltimbanque, égayait la foule par ses sauts surprenants. Cette visite s’achève par un petit resto où, là encore, la cohue influence l’humeur des serveurs. A peine poli, le nôtre ne nous sourit que lorsqu’il nous voit libérer la table… tant de gens attendent une place. Commerce oblige.

Concernant Zoé, elle restera bien tranquille cette nuit dans le parking de l’hôtel branchée à une borne disponible.

Col de Turini


Col du Castillon


Menton



2 juillet 2022 : Nice – Loriol-sur-Drôme (338 km)

Maintenant, il nous faut « remonter » en Auvergne. Partis de Nice après un copieux déjeuner pris dans l’immense pergola circulaire entièrement vitrée de l’hôtel, nous dépassons St-Andrieu, St-Pons et Grasse. Sur la D6085 - la route Napoléon -, voici le col de Val Ferrière (1169 m). Forêts de pins, garrigues et beaucoup d’herbes sèches qui n’attendent qu’un mégot pour s’embraser. Mais au détour d’un lacet, que la vue est belle !

Sur la D4085, nous nous arrêtons à Castellane, histoire de voir le Pont du Roc qui enjambe le Verdon et, pendant que Zoé s’abreuve à la paille auprès de la fée électricité, nous flânons dans le marché qui occupe tout le centre-ville. Que de couleurs, de voix qui s’apostrophent avec un accent chantant et parfois même en dialecte batave pur jus, saison touristique oblige… Après quelques emplettes de produits régionaux pour le casse-croûte, nous débranchons Zoé et repartons par la N85 vers Châteauredon, Digne-les-Bains pour poursuivre vers Sisteron et la Durance par la D4.

C’est sur cette route que nous nous arrêtons sur une aire de repos pour manger. Comme par un fait exprès, les quatre tables proposées sont en plein soleil alors que les poubelles ont droit à l’ombre des pins. Situation qui décourage même les moineaux de venir picorer les miettes… L’architecte des Espaces Verts qui a initié l’agencement de ce point de repos n’a jamais dû prendre la peine de s’y arrêter.

Arrivés à Serres, nous optons pour la D994, petite route qui longe au début le torrent de Blême et qui enjambe le col de la Saulce (877 m) puis le col de Palluel (780 m). Après Verclause, nous longeons la retenue d’eau de l’Eygues jusqu’à Rémuzat. Là, changement de direction. Par la D61, direction le nord en longeant l’Oule jusqu’au Plan d’eau du Pas des Ondes et par la D173 voici le col de la Molière (640 m) et les gorges de l’Arnayon. Plus tard, le col du Pré Guittard (914 m) nous invite à une énième grimpette avant d’arriver au bourg de Bouvières.

Peu après Bourdeaux, la D538 longe le Roubion et par cette journée ensoleillée, celui-ci sert de baignoire à une foultitude de gens. Qui les fesses au frais, qui le corps huilé posé sur un énorme rocher tel un œuf sur le plat, chacun prend plaisir aux vacances. A Crest, nous rejoignons enfin la Drôme et, quelques kilomètres plus tard, voici Loriol-sur-Drôme, dernière étape de notre itinéraire.

Nous logeons dans un hôtel recommandé pour sa piscine, son parc et la carte de son restaurant gastronomique. Dès le porche, cet établissement s’impose comme un lieu pas tout à fait ordinaire. En effet, pour y pénétrer, nous faisons face à des vantaux fermés et il nous faut montrer patte blanche pour les voir s’ouvrir. Le complexe hôtelier se trouve un peu plus loin, enfoui sous une végétation dense. A voir le nombre de véhicules garés - et les plaques étrangères sont nombreuses - il est évident que nous ne sommes pas les seuls à avoir  coché  la case.

Accueillis par un préposé de la réception souriant - qui nous confirme qu’il y a une borne de recharge disponible pour Zoé - nous accédons à une chambre moderne délicieusement fraîche où le bois clair élégant se marie à ravir avec la teinte ardoise des murs. En soirée, entourés hélas par quelques moustiques, nous prenons plaisir à déguster un repas de haut vol alors que le soleil couchant mouille de ses derniers rayons orangés les bras robustes des platanes. Le bœuf  Angus  est un régal et vaudrait le déplacement à lui seul. Quant au vin rouge régional, profond, fier de son terroir, c’est avec un zeste de regret que l’on regarde le verre ballon si vite vidé.

Panorama de la route Napoléon

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Champ de lavande près de Digne-les-Bains



3 juillet 2022 : Loriol-sur-Drôme – Clermont-Ferrand (248 km)

L’âme un peu triste de nous voir arrivés à la dernière journée du périple, nous faisons honneur au buffet du petit-déjeuner. Du fruit frais au bacon frit, de la graine au laitage labellisé, tout tend à combler le gourmand qui sommeille en chacun. Facture réglée, ceinture de sécurité dûment attachée, nous traversons le Rhône et par la D86, nous nous dirigeons vers St-Laurent-du-Pape. Accrochant la D21, nous roulons vers Vernoux-en-Vivarais et St-Agrève. Route touristique s’il en est, tantôt longeant le creux d’un vallon où s’écoule un ruisseau clair, tantôt jouant à la corniche sous le ciel bleu. C’est dans cette portion de trajet que, pour cause de travaux, une déviation nous impose un détour. Rien d’anormal à cela si ce n’est que le chemin proposé conviendrait mieux à un tracteur qu’à une voiture : s’élevant en pente raide, la chaussée à peine asphaltée est si étroite que deux ânes de Santorin pourraient difficilement se croiser. Il faut plusieurs kilomètres pour échapper à la déviation  foireuse  et retrouver le sourire.

Quittant bientôt l’Ardèche, nous voici en Haute-Loire. L’Auvergne déjà. Tence, Yssingeaux, Retournac où nous croisons la Loire. C’est sous un chêne robuste que l’on se désaltère d’un petit café en thermos, manière de garder l’illusion que nous sommes toujours en vacances alors que l’esprit nous précède et se voit déjà revenu au pays des volcans, dans cette ville où Urbain II prêcha la première croisade, où Pascal naquit et où Monsieur Bibendum joue à l’international. 

Par la D9, nous traversons St-Georges-Lagricol, Craponne-sur-Arzon et nous voici dans le Puy-de-Dôme tout drapé de sa chevelure forestière. Arlanc la rude, Marsac-en-Livradois, Ambert et son petit train… Après les tournants d’une route capricieuse (mais en parfait état), St-Dier-d’Auvergne nous ouvre les bras. Nous nous y arrêtons pour acheter quelques victuailles.

Si l’épicerie est vieillotte, l’épicière a pour elle une franchise déroutante : « Je vous conseille ce beurre de baratte. Sa date de consommation est dépassée d’un mois, mais je vous le laisserai à 50% du prix ». Ah ! Elle a bon dos, la baratte. Si les « rillettes maison » sont du même acabit, bonjour la gastro ! Un morceau de Cantal nous suffit amplement et sans plus d’arrêt, nous lâchons les chevaux pour rejoindre Clermont-Ferrand.

C’est vers une heure de l’après-midi que notre voyage s’achève. Le soleil cogne fort, le logis sent un peu le renfermé et le frigo est vide… mais dans nos yeux, il y a tant d’images inédites que les façades des maisons d’en face en sont toutes décorées et qu’en un vol d’oies sauvages, les souvenirs nous reviennent : que la France est belle.


Données du parcours

Le coût en électricité pour ce parcours de 1903 km est de 36.74 euros seulement car une partie des bornes de recharges étaient gratuites (Lidl Chasse-sur-Rhône, Lidl Cluses, Hôtel les Alizées à Puget-Théniers, Hôtel Esatitude à Nice, borne de Castellane, Hôtel les Oliviers à Loriol-sur-Drôme).




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